L'assureur d'un chirurgien-dentiste salarié doit-il être mis en cause en cas de contentieux intéressant les activités de ce dernier ?
Cour d'appel de Paris, Pôle 1, Chambre 3, Arrêt du 12 mars 2024, RG n°23/12915
Le chirurgien-dentiste salarié d'un centre de santé (préposé) est couvert par l’assurance responsabilité civile professionnelle (RCP) de son employeur (commettant) dès lors qu’il intervient dans la limite de la mission qui lui est impartie (la réalisation d’actes de prévention, de diagnostic et de soins). Ce principe d’immunité civile découle de l’arrêt Costedoat du 25 février 2000, appliqué à partir de 2004 aux médecins salariés d’établissements privés (Cass. Civ. 1re, 9 nov. 2004. La Lettre, n° 37, obs. D JACOTOT).
Dès lors, la question de la souscription d’une assurance RCP n’a pas lieu de se poser pour les praticiens salariés. En pratique toutefois, certains praticiens font le choix de souscrire à une telle assurance, soit par précaution, soit par méconnaissance de leurs droits, soit pour des raisons pratiques car ils exercent également en secteur libéral.
Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 mars 2024, une patiente recherche la responsabilité d’un chirurgien-dentiste salarié de centre dentaire, au titre d’une prothèse qu’elle juge instable et douloureuse. Elle fait assigner le centre, son assureur (Allianz IARD), mais également le chirurgien-dentiste salarié et l’assureur de ce dernier (la MACSF) devant le juge des référés et ce, aux fins d’une expertise judiciaire visant à rechercher les causes et l’étendue des dommages dont elle se dit victime.
Dans ce type de litige et classiquement, le juge met hors de cause le praticien salarié, considérant qu’il n’a agi que dans le cadre des limites de la mission impartie par son commettant employeur (par ex. en chirurgie dentaire : CA Riom, 2 sept. 2020, n° 18/02604). On pourrait donc légitimement s’attendre à ce que, dans le cadre du présent contentieux, le juge mettre hors de cause l’assureur du praticien salarié. Cela n’a pas été le cas.
L’assureur du praticien salarié a donc fait appel de la décision aux fins d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a retenu sa mise en cause. Le juge d’appel a écarté cette demande, au motif que « les parties sont susceptibles de s'opposer devant le juge du fond sur les conditions de prise en charge et de réalisation des interventions pratiquées [par le chirurgien-dentiste salarié] et, le cas échéant, sur la nature de [sa] responsabilité personnelle ».
Le juge d’appel considère ainsi que la patiente justifie d’un motif légitime d’obtenir la réalisation de l’expertise judiciaire au contradictoire de l’assureur du praticien salarié, en sa qualité. Il restera à voir, lors de l’expertise, si le praticien salarié a agi en excédant - ou non - les limites de la mission qui lui était impartie…
Un cas de figure que je n’ai pas retrouvé à la lecture de la jurisprudence en chirurgie dentaire, mais rien n’est impossible ?